Hegel au cœur de la question de l’identité : épisode • 2/4 du podcast Le problème de l’identité

Le philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel lors d'un cours à l'université de Berlin ©Getty - ullstein bild Dtl.
Le philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel lors d'un cours à l'université de Berlin ©Getty - ullstein bild Dtl.
Le philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel lors d'un cours à l'université de Berlin ©Getty - ullstein bild Dtl.
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En soulignant le potentiel de transformation de tout un chacun, la philosophie hégélienne est-elle un contrepoids à la fixité des identités ? L'œuvre de Hegel oblige à penser le non-identique, une question dont s'empare la Théorie critique, portée par Theodor W. Adorno et Axel Honneth.

Avec
  • Katia Genel Maîtresse de conférences en philosophie à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Elodie Djordjevic Maîtresse de conférences en philosophie du droit à l’université Paris Panthéon-Assas, directrice adjointe de Droit et Philosophie
  • Daniel Payot Professeur émérite de l’Université de Strasbourg

Il y a de véritables enjeux autour de la notion d’identité, non seulement dans la vie sociale, mais encore dans les sciences. Dans le deuxième épisode cette série consacrée au problème de l'identité, Géraldine Muhlmann et ses invité.e.s s'interrogent sur la philosophie hégélienne et son lien à la question de l'identité.

"L'identité n'est pas une négation de la différence"

Pour le philosophe allemand Hegel, l'être est composé à la fois d'identique et de changement. "Il connaît des contradictions, il se transforme", résume Katia Genel. Dans ce système de pensée, c'est le négatif qui joue le rôle de moteur : "il va impulser le mouvement", et permettre d'atteindre "du non-identique, ou du non-conceptuel". Elle rappelle que, chez Hegel, ce mouvement est en quelque sorte interrompu trop tôt. En effet, immédiatement, "il est réinscrit dans un horizon infini, qui fait que ce qui était non-identique est en quelque sorte récupéré, ou ramassé, dans une forme d'identité". Hegel considère cependant que "cette identité n'est pas une négation de la différence" : elle y est intrinsèquement liée.

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Dissoudre l'identité

Pour Daniel Payot, nous pouvons faire de Hegel un penseur de l'identité, car "c'est un penseur du système, de la totalité". En ce sens, "l'identité absolue triomphe". Mais, comme il le souligne, Hegel est également critique de cette notion. Ainsi dans La science de la logique, "il explique que l'identité, posée immédiatement, est vaine, vide. L'identité, quand elle est posée de manière immédiate, ne dit rien. Elle n'a pas de sens. Elle est cette espèce de perfection vide de la tautologie". La formule A = A est certes incontestable, mais elle est dénuée de contenu. De fait, "pour que l'identité prenne sens, il faut qu'elle se dissolve, qu'elle soit perdue". La contradiction, ou la non-identité, peut alors avoir lieu, et "l'histoire de l'identité", se construire.

L'expérience du contradictoire, "une aventure"

Comprendre ce qu'est l'identité chez Hegel requiert, selon la philosophe Elodie Djordjevic, de concevoir l'expérience du contradictoire comme une aventure. "L'identité n'est pas un donné : c'est un résultat, quelque qui se conquiert, qui résulte de son opposition à l'autre". Elle rappelle ainsi que le point de départ de la logique hégélienne est "l'être pur", c'est-à-dire cet être "absolument indéterminé, qui ne comprend absolument aucune différence en lui". On ne peut rien dire de lui : l'être pur est identique au "néant pur". Mais au-delà de ce caractère négatif, la pensée peut advenir lorsqu'on y confronte la notion de "devenir" : "quelque chose qui en même temps est et n'est pas".

L'émission est à écouter dans son entièreté en cliquant sur le haut de la page.

Pour en parler

Katia Genel, maîtresse de conférences en philosophie allemande à l’Université Paris 1 Panthéon–Sorbonne.

Elle a notamment publié :

  • Hannah Arendt. L’expérience de la liberté, éditions Belin, collection “Le Chemin des philosophes”, 2016.
  • Autorité et émancipation. Horkheimer et la Théorie critique, éditions Payot, collection “Critique de la politique”, 2013.

Elodie Djordjevic, maîtresse de conférences à l’Université Paris Panthéon-Assas, membre de l’Institut Michel Villey et directrice adjointe de la revue Droit & Philosophie. Ses travaux de recherche portent sur les rapports entre rationalité et normativité, et se situent au croisement de la philosophie pratique (en particulier la philosophie politique et du droit) et de l’histoire de la philosophie (en particulier Hegel et l’idéalisme allemand). Elle est actuellement en train de terminer un ouvrage intitulé : Le Jugement politique et les failles du monde. Essai sur la conception hégélienne de l’action et de la normativité, à paraître aux éditions du CNRS.

Elle a notamment dirigé et co-dirigé :

  • Le volume Marx et le droit , éditions Dalloz, 2019.
  • Les ouvrages : Les Équivoques de l’institution : normes, individu et pouvoir,  éditions Classiques Garnier, 2021 ; La pensée et les normes. Hommage à Jean-François Kervégan, éditions de la Sorbonne, 2021 ; Hegel et le droit, éditions Panthéon-Assas, 2023.

Elle a aussi collaboré à :

  • L’édition et à la traduction de la version française du Manuel de l’idéalisme allemand, direction J.-Fr. Kervégan et H.J. Sandkühler, éditions du Cerf, 2015.

Daniel Payot, professeur émérite de l’Université de Strasbourg. Ses recherches portent principalement sur la Théorie critique et surtout sur les écrits d'Adorno.

Il a notamment publié :

  • Constellation et utopie. Theodor W. Adorno, le singulier et l'espérance , éditions Klincksieck, 2018.
  • Les philosophes et le temps des clowns, éditions Circé, 2021.

Références sonores

  • Extrait du film L’établi, réalisé par Mathias Gokalp, 2023. D’après le roman de Robert Linhart, L’établi, 1978.
  • Archive de Gilles Deleuze, cours dispensé à l’Université de Vincennes-Saint Denis, le 29 janvier 1985
  • Archive de Theodor W. Adorno, "L'Homme dans un monde en évolution", RTF, le 11 janvier 1964
  • Chanson Amyl and The Sniffers, "Don't Fence Me In", dans l'album Comfort to Me (2021)

Le Pourquoi du comment : philosophie

Toutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.

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