Laurie Friant est depuis septembre 2021 post-doctorante à l’ISJPS au sein du centre normes, sciences et techniques. Elle travaille avec Elsa Supiot et Anne Simon sur le GIP "Les violences gynécologiques et obstétricales saisies par le droit".
Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser à cette question ?
La question des violences gynécologiques et obstétricales fait écho à mes recherches qui portent sur le droit de la santé. Je questionne à travers ces recherches, notamment dans mes travaux doctoraux, la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de soins ainsi que la relation patient (ici, patiente)-médecin.
Pourriez-vous nous en dire davantage sur vos travaux doctoraux ?
Ma thèse porte sur la réparation des dommages causés par les produits de santé.
Elle part d’un double constat : la récurrence et la multiplication des dommages causés par les produits de santé, d’une part, et l’apparition et le développement de nouveaux modes de réparation, d’autre part. L’outil de réparation des dommages causés par autrui est traditionnellement le droit de la responsabilité civile. Mais depuis quelques années, on a vu apparaître un autre outil : le fonds d’indemnisation. L’intention qui se cache derrière l’apparition de ces fonds est louable : il s’agit d’améliorer la prise en charge des victimes, de les indemniser rapidement, au terme d’une procédure simple, sans un recours au juge qui supposerait de mettre en œuvre une lourde procédure.
Cela conduit toutefois à superposer les outils de réparation, ce qui nuit à la lisibilité et à l’efficacité du droit. C’est pourquoi j’ai proposé d’aller au bout de la logique initiée il y a quelques années maintenant : se détourner définitivement du droit de la responsabilité civile pour les dommages causés par les produits de santé et recourir à un fonds d’indemnisation unique pour toutes ces victimes et non plus uniquement pour quelques-unes d’entre elles comme c’est le cas en droit positif.
Cette proposition a retenu l’attention et suscité de nombreux débats ; elle remet en effet en cause le droit de la responsabilité civile, institution bicentenaire. Il faut néanmoins savoir qu’aujourd’hui, cette institution est bien différente de celle pensée par les codificateurs de 1804 : elle ne conduit plus à faire peser sur les responsables la charge du dommage qu’ils ont causé. Assurés, les responsables des dommages ne réparent donc pas personnellement les conséquences de leurs actes.
En quoi ces travaux nourrissent-ils vos recherches sur les violences gynécologiques et obstétricales ?
Mes travaux de thèse me permettent d’apporter au projet une plus-value à deux niveaux. Sur le fond, d’abord, je me suis intéressée à la question de l’expertise. Or, dans le cadre des violences gynécologiques, l’expertise suscite de nombreuses difficultés, notamment en ce qui concerne l’appréciation des préjudices. J’ai également travaillé sur la question de la médecine défensive, qui est centrale en matière de violences gynécologiques.