L’ISJPS, l’IREDIES et l’IRJS se sont associés pour organiser le lancement d’un séminaire sur "les droits asiatiques", organisé par Eugénie Mérieau, Linxin He et Virginie Kuoch et qui se tiendra mensuellement à partir de l’automne 2022. Alors que les grandes facultés de droit du monde ont créé leur centre de recherche sur les droits asiatiques comme à Harvard, Oxford ou encore Singapour, il n’existe en France aucun forum dédié à l’étude de ces droits. Le séminaire a pour vocation de contribuer à combler cette lacune et, dans le même temps, de participer à un nécessaire décentrement critique de la discipline.
L'argumentaire du séminaire est le suivant. Le droit, "invention" par excellence de la Rome antique, serait la marque singulière de la culture occidentale. En Europe et aux États-Unis, les études oriental(ist)es ont longtemps posé le droit comme critère ultime de modernité, divisant le monde entre un Occident réglé par le droit et un Orient sans droit ; ce dernier se serait ensuite modernisé par un processus d’occidentalisation, largement juriciste. Aujourd’hui, en Asie, le droit ne serait toujours ni central au fonctionnement de la société ni "tout à fait du droit". Ces opinions "savantes" sont-elles pertinentes ? Quel est l’état de nos connaissances sur les droits asiatiques aujourd’hui ? À quels enjeux méthodologiques et épistémologiques devons-nous faire face dans notre démarche comparative ? Le séminaire sur les droits asiatiques vise à répondre à ces questions et à revisiter nos catégories produites par la rencontre juridique entre "l’Orient et l’Occident".
La séance inaugurale, qui s’est tenue le 9 juin 2022, a réuni les spécialistes français du droit asiatique pour dresser un état des lieux de la recherche francophone sur les droits asiatiques, de la période dite "orientaliste" à nos jours.
Sont ainsi intervenus, dans un premier panel, Frédéric Constant, de l’Université Côté d’Azur, sur le thème Panorama mondial des études sur le droit chinois, Béatrice Jaluzot, directrice de l'Institut d'Asie Orientale à l’ENS Lyon, au sujet des Études de droit japonais en Occident : un état des lieux de l’enseignement et de la recherche ; Jean-Louis Halpérin, de l'École Normale Supérieure de Paris, concernant ses recherches sur les Tensions entre principe d'égalité et lois personnelles dans les droits asiatiques ; Jean-Pierre Cabestan, du CNRS, sur le thème Chine : État de lois sans État de droit, et Jérôme Bourgon, du CNRS, sur La continuité historique du droit chinois.
Dans un second panel réunissant les doctorants, Virginie Kuoch, doctorante en droit constitutionnel comparé à l’École de droit de la Sorbonne (IRJS), est intervenue sur le thème de La nature hybride du droit constitutionnel hong kongais, Jean-Baptiste Scherrer, doctorant en droit privé à l’École de droit de la Sorbonne (IRJS), a présenté Une fable japonaise sur les concepts juridiques, et Valentin Martin, doctorant en droit international à l’École de droit de la Sorbonne (IREDIES), a évoqué La politique juridique extérieure de la Chine à l'égard du règlement des différends internationaux.
La séance s’est clôturée par un cocktail de lancement du livre d’Eugénie Mérieau, Constitutional Bricolage : Thailand’s Sacred Monarchy vs. The Rule of Law (Oxford, Hart, 2021), dans lequel l’autrice, à partir de la question "La Thaïlande est-elle une monarchie constitutionnelle ?", propose une critique de la discipline du droit constitutionnel comparé et invite, en mobilisant le concept lévi-straussien de "bricolage", à une réflexion sur la catégorie "monarchie constitutionnelle" dans ses rapports au droit, à la politique et à la religion.