Identification et identité : des enjeux importants dans les sciences : épisode • 1/4 du podcast Le problème de l’identité

L'ADN comme outil d'indentification ©Getty - Sebastian Kaulitzki
L'ADN comme outil d'indentification ©Getty - Sebastian Kaulitzki
L'ADN comme outil d'indentification ©Getty - Sebastian Kaulitzki
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Qu’est-ce qui permet d’identifier la nature biologique ou physique d’un corps ? "Avec philosophie" s’intéresse aux typologies scientifiques, de la biologie à la médecine en passant par la génétique.

Avec
  • Philippe Huneman Philosophe des sciences, directeur de recherche au CNRS à l’Institut d’Histoire et de philosophie des sciences et des techniques de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Antonine Nicoglou Maîtresse de conférence en philosophie à la Faculté de médecine de Tours et chercheuse au laboratoire IBrain
  • Hervé Chneiweiss Neurologue, directeur de recherche au CNRS, président du comité d’éthique de l’Inserm, professeur de biologie au Collège de France, et directeur du laboratoire "Plasticité Gliale".

Il y a de véritables enjeux autour de la notion d’identité, non seulement dans la vie sociale mais encore dans les sciences. Dans le premier épisode cette série consacrée au problème de l'identité, Géraldine Muhlmann et ses invité.e.s se demandent précisément pourquoi l'identité est un problème en sciences.

L'énigme du vivant

Depuis sa naissance, l'ensemble des cellules d'un individu change. Sommes-nous pourtant toujours le même ? Comme le remarque Philippe Huneman, "l'une des caractéristiques des êtres vivants, par rapport aux pierres, est que la matière qui les constitue se renouvelle perpétuellement". Cette "énigme du vivant" a déjà été pensée par Aristote : "la matière change, mais la forme reste constante". La question est alors de comprendre ce qui fait que la forme perdure. Encore aujourd'hui, certains théoriciens soutiennent que "l'information génétique donne une forme" aux organismes vivants, de la même manière que, dans les pensées d'inspiration aristotélicienne, "la matière du vivant est informée par une forme".

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La métamorphose de la chenille

Il existe un exemple paradigmatique, en biologie, pour penser la question de l'identité. La chenille, une fois devenue papillon, est-elle encore le même animal ? Peut-on considérer qu'une identité perdure entre ces deux êtres a priori si différents ? Antonine Nicoglou souligne à quel point cette métamorphose illustre en effet les notions de "continuité et de discontinuité". "Génétiquement, il semblerait que l'on regarde un même individu" : il n'y a donc, de ce point de vue, qu'une seule identité. Mais, en suivant la métaphysique aristotélicienne, on constate nécessairement "une rupture de forme", car le papillon ne ressemble plus en rien à la chenille. Elle le reconnaît, encore aujourd'hui, "nous ne savons pas bien répondre" à cette énigme.

Des jumeaux identiques ?

Mon jumeau est-il plus proche de moi que n'importe quel autre individu ? À cette question, le neurologue Hervé Chneiweiss répond avec nuance. En effet, pour des jumeaux issus du même œuf, "en termes de fond génétique, l'un est presque la photocopie de l'autre". Mais il faut également rappeler que "le génome est dynamique, en particulier au cours de notre développement". De fait, dès la naissance, "nous avons déjà 15 000 différences de séquence génétique entre deux jumeaux", et la photocopie est imparfaite. Par ailleurs, l'épigénétique, c'est-à-dire les marques qui s'impriment sur le génome du fait de l'environnement, influe sur l'ADN. Le stress physique, l'environnement, le cadre social, modifient notre structure génétique. "L'histoire des deux jumeaux va donc en faire deux individus différents".

À réécouter : ADN, c’est prouvé !
Les Pieds sur terre
28 min

L'émission est à écouter dans son entièreté en cliquant sur le haut de la page.

Pour en parler

Antonine Nicoglou, maîtresse de conférence en philosophie à la Faculté de médecine de Tours et chercheuse au laboratoire IBrain.

Sur la notion d'identité, elle a notamment co-dirigé :

Philippe Huneman, philosophe des sciences et directeur de recherche au CNRS à l’Institut d’Histoire et de philosophie des sciences et des techniques de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Il a notamment publié :

Hervé Chneiweiss, neurologue à La Salpêtrière, directeur de recherche au CNRS, directeur du laboratoire de recherche Neuroscience Paris Seine à Sorbonne Université (Jussieu) et président du Comité d'éthique de l' INSERM.

Il a notamment publié :

Il a également rédigé le chapitre consacré à l'évolution des questions éthiques en génétique à l'occasion des 40 ans du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans le livre intitulé : Quarante ans de bioéthique en France. Le Comité consultatif national d'éthique : 1983-2023, sous la direction de Jean-François Delfraissy, Emmanuel Didier, Pierre-Henri Duée, éditions Odile Jacob, 2023.

Références sonores

  • Archives de François Dagognet, troisième partie de l'entretien mené par Francesca Piolot, "À voix nue", France Culture, le 23 septembre 1998
  • Extrait du film documentaire britannique Tell Me Who I Am, réalisé par Ed Perkins, 2019
  • Extrait du reportage d’Envoyé Spécial, “Tests ADN : La quête des origines”, réalisé par Perrine Bonnet, Claire-Marie Denis et Benoît Sauvage, diffusé sur France 2 le 17 juin 2021
  • Lecture par Daphné Leblond d'un extrait de Michel Foucault, partie III "Discipline”, chapitre 1 "Les corps dociles", section "L’art des répartitions", in Surveiller et punir, NRF Gallimard, 1975, p. 150
  • Musique de Georg Friedrich Haendel, "Zadok The Priest" (1727) suivie de l’hymne officiel de la Ligue des Champions composée en 1992 par Tony Britten

Le Pourquoi du comment : philosophie

Toutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.

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